La Chouette de Classe dans OKAPI
Chouette
de classe est une série vedette d’Okapi qui a été
publiée pendant presque dix ans, du numéro 1 d’octobre 1971
au numéro 230 de juin 1981. Les référendums successifs
dans le journal montrent bien qu'elle est restée longtemps la plus populaire
auprès des lecteurs. Alors même qu'elle mettait en scène
les personnages d'une classe imaginaire et souvent idéale, cette série
était pourtant la seule à présenter un dessin réaliste
– récompensé dès 1974 par le prix des jeunes espoirs
de la bande dessinée et remis à la dessinatrice par Albert Uderzo.
Il convient d'ailleurs de souligner l'importance de ce socle réaliste
qui, en garantissant l'attachement des lecteurs au journal, permettait au «
laboratoire d'essai » d'Okapi de fonctionner et de publier des bandes
dessinées plus expérimentales...
Mettre en scène l'univers quotidien d'une classe de l'école primaire
est un exercice difficile et si la rédaction avait trouvé dès
1970 la dessinatrice qui lui convenait, il n'y avait toujours pas de scénariste
définitif au moment de la parution du premier numéro... le cinéaste
Claude Gaignaire vient opportunément remplacer Jean Victorieux, qui avait
élaboré les premières histoires.
La série avait aussi quelque chose de bien particulier : elle suivait
les saisons ! quand Okapi paraissait pendant les grandes vacances,
Chouette de classe était en vacances ! idem pour la rentrée,
Noël et même parfois le premier avril, Pâques… mais pas
pour les auteurs qui, eux, ne s'arrêtaient pas et cela jusqu’à
l’arrivée au collège J.B. Poquelin, mais là nous
brûlons des étapes…
On peut distinguer 6 périodes dans la série, principalement en
fonction du format des épisodes, mais aussi des changements de coloristes
et illustratrices.
- Période 1 : après une courte genèse de 3 épisodes
où le scénario est encore partagé entre Jean Victorieux
et Claude Gaignaire, c'est finalement
ce dernier qui prend l'écriture en main : les dialogues s’étoffent
immédiatement, les scénarios montent rapidement en complexité.
Durant cette première période les épisodes font presque
invariablement 3 planches et l'illustratrice Marie
Marthe Collin réalise alors entièrement la partie graphique
(dessins, couleurs et lettrage). Épisodes 1 à 63.
- Période 2 : l’âge d’or – les épisodes
passent à 4 planches bimensuelles à partir du 64 et c'est dans
ce format que Claude Gaignaire trouve
toute sa mesure, même si la planche supplémentaire conduit Marie-Marthe
Collin à abandonner la mise en couleurs. À partir de l'épisode
71 et jusqu'au 130, c'est en effet Mireille
Cambau -Espagne qui s'en charge, avec une finesse qui préserve
toute son individualité au dessin de l'illustratrice.
- Période 3 : le renouveau, et pour marquer le succès de la
série, un format de 5 planches par épisode. Hervé
Quénolle est désormais le coloriste de la série,
et sa personnalité comme sa technique de mise en couleur à l'encre
aquarelle donnent une intensité nouvelle au graphisme de Marie-Marthe
Collin, lui enlevant peut-être aussi un peu de sa spontanéité.
La charge de travail supplémentaire se révèle toutefois
excessive pour l'illustratrice, qui obtient bientôt de ne plus réaliser
qu'un épisode mensuel (en alternance avec La
Bande du vieux quartier). Du 131 au 156.
- Période 4 : à la faveur du changement de rédaction
au n° 164, le format repasse définitivement à 4 planches,
mais Marie-Marthe Collin est finalement victime du succès de la série
et déclare rapidement forfait alors qu'on lui demande de reprendre
un rythme bimensuel. Épisodes 157 à 169.
- Période 5 : la transition, les épisodes 170 à 175 sont
des rééditions d’épisodes de la période
2, mais recolorés par Hervé Quénolle. L’aspect
de certains personnages s’en trouve très changé et la
comparaison est intéressante. Au bout de six mois la rédaction
présente une nouvelle illustratrice pour la série : Nathaële
Vogel (les personnages sont parfois méconnaissables : Julie n'a
plus de couettes et ressemble à François, Claude met des vêtements
rayés bleus et ressemble à Martine...), Nicole Vilette s'occupe
du lettrage. 4 épisodes sont ainsi réalisés (176 à
179).
- Période 6 : le journal s'adressant depuis bientôt deux ans
aux collégiens, il est devenu impossible de maintenir les personnages
dans une école primaire... la chouette de classe arrive donc
au collège Jean-Baptiste Poquelin et la série change de nom
au passage ! Deux élèves (Anne et Alain) qui étaient
là depuis le début nous quittent, remplacés par deux
nouveaux. Mais la série était tellement liée à
l'univers d'une classe primaire que sa transposition ne réussit pas
et elle est abandonnée définitivement au bout de six mois. Du
180 au 190.
Pour finir la présentation, quelques chiffres :
- 190 épisodes, 709 pages - seul Tito avec sa série «
Tendre Banlieue » (qui prendra dignement la succession de Chouette
de classe au numéro 262 d’Okapi en 1982) atteindra et dépassera
ce volume de publication, mais il lui faudra presque 30 ans !
- 19 vedettes !
La chouette de classe était composée au départ d’un
instituteur, Michel, et de 11 élèves. 2 partiront avant la fin,
mais 5 les rejoindront au fil des épisodes, et pas des moindres ! 2
autres personnages récurrents se distingueront au cours de la série
: Muriel, jeune institutrice qui épousera Michel dans l’épisode
39, et Augustin Lavergne, le directeur de l’école, délicieusement
démodé mais redoutablement efficace.
- Plus de 100 seconds rôles !
42 parents, grands-parents, oncles, frères ou sœurs, interviendront
aussi à un moment ou un autre, 8 employés ou enseignants de
l’école, 7 du collège, plus de 50 autres personnages.
Enfin, une multitude de figurants anonymes ne fera que passer…
Bonne lecture, découverte ou redécouverte.
(texte de Bertrand WION, peaufiné par Jérôme
COUZIN et validé par Marie-Marthe COLLIN)