Louise XIV
 

Voici comment est présentée Louise XIV au verso du livre qui lui est consacré :

Louise XIV (1638-1715). Arrivée au pouvoir en 1661, elle assura la charge des affaires de l'Etat en mélant « l'energie du macaroni cuit à la souplesse du menhir, le tout dans une ambiance d'incertitude permanente ».
Nicole Claveloux, sa biographe, nous révèle le véritable portrait d'une reine odieuse, mesquine, tyrannique, pathétique, sournoise, inconsciente et surtout terriblement drôle. Mais tout de même... vivement la Révolution !

C’est un fait peu connu des vieilles chroniques, mais Louise XIV est apparue pour la première fois dans les pages de… Métal Hurlant, en décembre 1979. À ce moment la fin du règne de Grabote s'annonce, et Nicole Claveloux avait ouvert la succession en amenant à Okapi deux bigorneaux déjà publiés par les Humanoïdes associésLes bigorneaux se nichent entre les chapitres de Morte saison au moment de la publication en album de cette histoire balnéaire (1979). Nicole Claveloux réalisait régulièrement des bandes dessinées pour Les Humanoïdes associés depuis 1976, d’abord dans le journal Ah ! Nana jusqu'à sa disparition, et plus occasionnellement dans Métal hurlant. La quasi-totalité de ces bandes a été reprise en 3 albums par l’éditeur : La Main verte, Morte Saison et Le petit légume qui rêvait d’être une panthère ; si vous êtes germanophone, il existe même une « intégrale » éditée par Volksverlag en 1981 ! (ISBN 3886310620) et le très chic New York Review of Books annonce pour novembre 2017 une nouvelle anthologie : The Green Hand and Other Stories (ISBN 9781681371078). Les Américains ont bien de la chance – aucune bande dessinée de Nicole Claveloux n'étant plus disponible en France jusqu'à ce que Cornélius décide de remédier à cette triste situation., mais qui ne réussissent pas à faire leur petit tour jusqu’au gros rocher plus de trois numéros… Pas découragée, NC décide alors de développer ce personnage de Louise XIV (qui était à l’origine le portrait-charge d’une amie aux allures de souveraine), avec prudence et d’abord en alternance avec Grabote. Pas sûr que les lecteurs n’aient rien remarqué, mais enfin Grabote disparaît pour de bon et Louise XIV règne sur la dernière page du journal pendant deux ans… au bout desquels Okapi change de formule et la remplace abruptement par Frédy Bléro (une enquête menée par Louise elle-même n’éclaire pas du tout les raisons de cette éviction personnelle !). Cette fois les Okapiens ont réagi, car les amateurs de l’une ne l’étaient pas forcément de l’autre – comme en témoignent les grands débats de l’époque.

En tout cas Nicole Claveloux, qui jusque là improvisait beaucoup les histoires de Grabote, s’est piquée au jeu et a minutieusement mis en scène la cour de Louise. Elle a constitué d’abord à partir de toponymes choisis tout un bottin mondain où puiser les courtisans nécessaires. Ce sont peut-être ensuite les rubans du XVIIe siècle qui lui ont inspiré des bulles très sophistiquées et devenues un temps sa marque de fabrique : NC est sans doute la seule à faire de la gymnastique rythmique avec les anciens phylactères (plutôt réservés à l’usage des experts en bande dessinée, qui avaient retrouvé ce mot pour désigner les « ballons » où figure le texte). Pour la première fois aussi, NC ne travaille pas en « couleurs directes » sur ses planchesC’est une singularité d’Okapi jusqu’au début des années 1980 : les dessinateurs et illustrateurs travaillent au format du journal et en couleurs directes, alors que la presse spécialisée en bandes dessinées impose massivement l’usage des bleus d’imprimerie pour la mise en couleur et que les planches originales des auteurs de BD font généralement le double du format de publication. et utilise des bleus de coloriage (les planches originales de Louise sont donc en noir et blanc).

Vous trouverez ci-dessous les 28 planches parues dans Okapi avec une certaine régularité du n° 212 au n° 254, en dernière page. L'aventure prend fin avec un épilogue de circonstance : Louise XIV mène l'enquète dans les n° 255 à 259, pour préparer le changement de formule du journal au n° 260. Une dernière apparition sous la forme d'une mini BD en 2 cases clôt définitivement l'affaire au n° 274.

Un florilège Louise XIV : « Dur, le pouvoir ! » est paru en février 1985 aux éditions du Sourire qui mord. Il reprend 16 des 28 planches dans leur noir et blanc d’origine et ô surprise, ajoute 3 épisodes restés inédits. (Dans le tableau, les numéros entre parenthèses indiquent l'ordre des planches du recueil – 19 au total donc.)

Pour sa part, Cornélius a intégré les pages de Louise dans la réédition de « Morte-Saison » en février 2020, et propose au lecteur d'emprunter à nouveau le passage entre Métal hurlant et Okapi... les 28 planches sont toutes là, dans leur couleur d'époque et même plus, puisqu'une dernière impubliée avait jusqu'ici échappé aux recherches.

Tout en renouvelant le style de Grabote, dont elle prend la suite après avoir partagé les numéros d'Okapi pendant un an, Louise XIV est comme un ultime rebond du petit monstre à pois. Peut-être s’agit-il de mimétisme car leur ressemblance physique n’était pas voulue par l’auteure, mais les deux insupportables créatures ont bien des traits communs, et le rôle de soufre-douleur est passé de Léonidas à la cour tout entière…

Enfin, vous trouverez en bonus une bande dessinée tirée de la rubrique C'est arrivé hier, qui nous a semblé trouver sa place à la suite de Louise XIV : Les Aventures potagères du baron Parmentier, ou la pomme de terre à la cour de Louis XVI… (attention, le titre semble évoquer le Concombre masqué, mais il s’agit bien d’une bande dessinée « sérieuse », comme les aime Okapi)

Place à Sa Majesté...

 

(***) Vive la Reine…/... Vive la Reine…/... Vive la Reine...



Ajouter un commentaire
magnifique.par cristian le 11/08/2022 00:59:15
!!!Jérôme vient de nous dégotter une nouvelle planche inédite de Louise XIV... Je vous laisse la déguster en pensant qu'en 2020 - avec le coronavirus - elle serait impubliable :-)par Bernard BARRAL le 14/02/2020 22:50:04
Je me souviens avoir trouvé ca bizarre à l'époque. Mais en les relisant, c'est assez amusant. Prometteur du moins, même s'il n'y a pas de suite.
En tous les cas, on retrouve bien l'idée de la persécution, avec un faible naïf qui se laisse mener par le bout du nez, sujet très cher à Nicole Claveloux. par Patrick DENJEAN le 05/11/2003par le