Couscous et Cannelle est une série vedette d'Okapi
écrite par Anne-Marie Chapouton et
dessinée par Edith Raymond, incontournable
par sa durée (huit ans) et surtout ses personnages attachants, adorés
des Okapiens (à 90 % !) : Couscous le garçon, farceur et bon enfant,
Cannelle sa sœur, colérique et fûtée. Peu ou pas d'autres
personnages dans leurs histoires et même la présence de leurs compagnons
(Marmite, la poupée de Cannelle, et Crouton, le chien de Couscous) est
très limitée... quant à Papa et Maman, c'est peut-être
une des trouvailles graphiques les plus étonnantes de la série
: ils n'apparaissent jamais autrement que sous la forme d'une bulle qui remplit
toute la hauteur des cases et masque totalement leur personnage (on devine alors
à la couleur du texte et du phylactère de qui il s'agit : bleu
pour papa, rouge pour maman). À partir du n° 46, les interventions
des parents sont même isolées dans des cases individuelles, un
peu comme des cartons de cinéma muet ! si l'on excepte les quelques pages
de Mat et Matic réalisées par Adli Rizkallah, Couscous
et Cannelle est de loin la bande dessinée la plus abstraite du journal...
Édith Raymond semble s'être inspirée de poupées de
chiffons pour dessiner ses personnages qui, de pantins un peu rigides au début
prendront au cours de la série des formes plus élastiques qui
rappellent le tissu, animées par une mise en couleur très dynamique
et des motifs répétés de cases en cases. Les « bulles
» sont par ailleurs systématiquement reliées à la
bouche par un trait qui ressemble à un fil... on ne s'étonnera
donc pas que l'illustratrice ait développé parallèlement
à cette série un intérêt croissant pour l'art du
patchwork et de la broderie.
Anne-Marie Chapouton a-t-elle mis en BD
ses souvenirs de jeunesse ? elle semble en tout cas avoir gardé de son
enfance, passée aux États-Unis, une approche très anglo-saxonne
de l'écriture pour les enfants, intime et directe à la fois :
aucune mièvrerie dans ces histoires qui ont conservé en bonne
part leur caractère percutant et qui sont parmi les premières
que l'auteur ait publiées.
La sûreté de leur technique autant que la bonne entente des deux
collaboratrices leur ont permis de réaliser ces scénettes suffisamment
simples pour faire la joie des plus jeunes lecteurs d’Okapi et pourtant
suffisamment élaborées pour ne pas lasser les plus vieux. Quant
aux adultes, ils y trouvent un étrange sentiment de déjà-vu
- on devrait dire « déjà vécu » - pour tous
ceux qui ont partagé leur enfance avec un frère, une sœur…
Bonne découverte ou redécouverte.
Quelques chiffres :
Apparue dans Okapi dès le numéro 1, la série durera
8 ans jusqu’au numéro 162, soit 126 épisodes d’un
format invariable d’une page. Traditionnellement placée en quatrième
de couverture du journal (ce qui ne facilite pas la conservation), elle sera
publiée dans tous les numéros jusqu’au 63. À ce moment
Edith Raymond, qui travaille également
pour Pomme d'Api et commence le patchwork, s'inquiète de ne
pas pouvoir soigner ses dessins comme elle le voudrait ; la rédaction
lui propose alors de continuer dans un numéro sur deux, formule qui durera
deux ans (Anne-Marie Chapouton écrit durant cette période la série
alternative Opapi
et Omami), avant que Couscous et Cannelle reviennent finalement
dans tous les numéros du 131 au 162. La série s'arrête avec
le départ de Denys Prache, alors qu'Okapi
s'adresse désormais aux 10-14 ans et qu'elle ne peut retrouver dans Astrapi
une place déjà occupée par Touffu, de Martin Berthommier.
(texte de Bertrand WION modifié par Jérôme COUZIN et approuvé par Edith RAYMOND)