À
la fin de l'année 1972, Denys Prache contacte Nicole Claveloux, étoile
montante de l'album illustré en France à cette époque,
pour travailler à Okapi. L'illustratrice pense alors à utiliser
un personnage dont elle se servait depuis un moment pour orner et signer sa
correspondance : GraboteOn peut apercevoir cette grabote et Nicole Claveloux dans une émission du Tac au Tac de Jean Frapat, sur le site de l'INA : https://www.ina.fr/video/CPF86638407 (15 janvier 1972) voir vers 5'30 et 9'20 pour les plus pressés.. Elle propose une planche sans paroles qui figure une bataille de bulles entre Grabote et un comparse – en fait la représentation
d'un ami, du signe du lion. Denys Prache, impressionné par le résultat,
baptise ce lion Léonidas mais demande aussi des aménagements pour
le public des « Okapiens ». Les planches suivantes seront en effet
plus simples et plus bavardes, tandis que Nicole Claveloux invente des histoires
au fil des semaines et adopte pour un bon moment des fonds blancs comme décor
(ses couleurs faisaient grincer des parents de lecteurs au début).
NCc’est-à-dire Nicole Claveloux, qui a un nom assez long et qui a pris aussi rapidement l’habitude de signer ses planches avec ses initiales. mesure pourtant dès le départ les limites de l'affrontement bimensuel de Grabote et Léonidas et propose à l'éditeur new-yorkais Harlin Quist une histoire d'inspiration plus extravagante dans l’album Go, Go, Go, Grabote ! , publié en 1973 aux États-Unis. Pas vraiment contente du résultat, elle en conçoit un deuxième, plus radical encore et propre à satisfaire son goût du pastiche : Pas de grisbi pour Grabote ! lequel paraît fin 1974 en France (et l'année suivante aux États-Unis), en même temps que l'édition française du premier, qui s'intitule Gare à Grabote ! Pas un mot de ces livres dans Okapi - mais Nicole Claveloux n'avait pas de contrat d'exclusivité avec Bayard-Presse...
Grabote arrive donc au journal à partir du n° 30 de février 1973 pour s'installer pendant 200 numéros et plus de huit ans... on lui donne d'abord une page et le succès venant, bientôt deux (à partir du n° 64) et aussi son album dans la « collection Okapi » en 1975 ; les planches sont numérotées pendant les cent premiers numéros (163 épisodes), puis les choses se compliquent un peu : un changement de formule intervenu au n° 131, qui prétendait mettre plus de bande dessinée dans le journal sans lui ajouter de pages pour autant, a pour conséquence de réduire l'espace habituel de Grabote à 2 strips bimensuels (au lieu de 2 planches !). L'insupportable a du mal à s'en remettre : une quinzaine d'épisodes paraissent avant que Grabote retrouve définitivement une page entière (à partir du n° 143, et les deux premières « pages » ne sont en fait qu'un montage d'épisodes conçus pour le format précédent...). À noter que l'auteure avait déjà expérimenté un autre espace d'expression pour son personnage, le temps d'une série de strips dessinés en 1976/77 mais non destinés à Okapi (et dont aucun journal n'a voulu : ils ont finalement été recueillis dans un album publié par Le sourire qui mord/Gallimard en 1994 sous le titre Merci, Grabote ).
Le personnage a étonnament évolué : c'est une petite fille
en 1973 (une « grabote » dans le parler stéphanois désigne
la benjamine d'une famille) et au moment où elle cède la place
à Louise XIV en 1981, elle est quasiment adulte
et n'a plus grand chose à voir avec la petite peste de ses débuts
: d'insupportable, Grabote est devenue si négative qu'elle finit par
disparaître, Nicole Claveloux elle-même ne pouvant plus la supporter...
Les histoires ont beaucoup évolué elles aussi : alors qu'au départ
elles se développaient librement – à suivre ou pas, tantôt
pages d'humour, tantôt feuilleton, elles deviennent finalement des scènes
d'intérieur que, de l'aveu même de l'auteure, les limites des personnages
rendent de plus en plus étouffantes. Au départ de Denys Prache
en 1978 et suivant le remaniement du journal à partir du n° 164 correspond
également un changement notable dans le décor : les fonds, qui
étaient blancs jusque là, deviennent noirs ! NC tentera enfin
de renouveler ses personnages en passant de la planche de bande dessinée
à la pleine page du dessin humoristique, où proliférent
des Grabotes et des Léonidas pendant une quinzaine d'épisodes
qui seront aussi les derniers... Bizarrement, Bayard-Presse choisit de reprendre
les planches de cette « période noire » de Grabote dans un
album qui paraît à l'automne 1981, alors que NC a déjà
abandonné son personnage...
Grabote a fait rapidement figure de mascotte du journal, tout comme sa créatrice en est un peu l'illustratrice-vedette. Avec la complicité de son ami Jean Seisser, Grabote investit d'abord deux Univers d'Okapi en 1974 et 1975 (consacrés à La Joconde et à L'Art contemporain) ; puis elle s'attaque au journal lui-même en 1979 avec des commentaires d'une mauvaise foi réjouissante sur des strips au bas et en sens inverse de chaque page, ce qui oblige à une lecture « en boucle » (Journal perpétuel, n° 176). Grabote apparaît également un peu partout, notamment en couverture : pas moins de 9 fois, record jamais atteint par aucun autre héros du journal, ainsi que dans la lettre « O » d'Okapi pendant une trentaine de numéros entre 1978 et 1979, mais aussi à d'autres endroits plus inattendus et pas toujours sous la plume de NC (sommaires, jeux et bricolages, Univers...).
Elle aura droit aussi à deux aventures indépendantes de sa planche habituelle à l'occasion de numéros doubles : Grabote mène l'enquête (n° 160/161, 8 planches – une histoire qui rappelle l'album Pas de grisbi pour Grabote !) et Supergrab contre Docteur Pustule ! (n° 184/185, 9 planches). « L’insupportable et envahissante Grabote » n'ira pourtant pas jusqu’aux produits dérivés, sauf peut-être avec cette bavette suggérée par Catherine Brus (n° 121).
Si
l’on excepte les réalisations à part que sont les Univers,
le Journal perpétuel et les albums publiés par Harlin Quist ou
Le Sourire qui mord, le feuilleton de Grabote compte près de deux cent-soixante
pages, la plus longue des bandes dessinées de Nicole ClavelouxEt en tout cas celle dont elle aura le plus ressenti la
durée ! Les débats de Cactus acide et Beurre
fondu, publiés dans Okapi sur une période plus longue,
atteignent à peine 240 épisodes en dix ans... (et dans
un format souvent plus proche du strip que de la planche.. Cette
aventure ayant été très imparfaitement reprise en albums,
nous espérons que ce site comblera un manque en vous permettant de la
lire dans son intégralité, dans une nouvelle version renumérisée.
Un grand merci à Frédéric
"Morli" MORLIGHEM
et à
Patrick
DENJEAN
(à
partir de la planche 148) qui m'ont fourni les images de ces planches, et aussi
à
Arnaud
COUDREUSE
et
Bertrand WION
qui ont complété la collection de quelques planches. Et une grosse
pensée pour
Jérôme
COUZIN
qui
a rescanné plus proprement tout cela en 2015 et refait le texte de cette
page.
Génial, toutes les planches ! Je ferai un post sur votre site très prochainement (et merci d'avoir parlé de mon blog :-)) Super travail en tous les cas :-)
par Li-An le 22/05/2007 16:29:25